Litige PicRights / AFP

Des agences de presse, dont notamment les Agence-France-Presse, Reuters ou encore Associated press, envoient des lettres de mise en demeure aux internautes qui utilisent des photographies prises par leurs journalistes afin de leur réclamer le paiement de dommages-intérêts sur base du droit d’auteur. 

Elles mandatent pour cela des sociétés utilisant l’intelligence artificielle (PicRights Europe GMBH, Permission Machine, Rights Control par exemple) pour balayer les sites internet et repérer l’usage de photographies de ces agences stockées dans leurs serveurs. 
Si le droit de la propriété intellectuelle protège effectivement les photographies présentant un caractère original, le plus souvent, celles prises par des journalistes ne relèvent pas de cette catégorie.

Le droit d’auteur est donc revendiqué abusivement par les différentes agences de presse. Pour y voir plus clair, le cabinet Lazarègue Avocats revient en détail sur la question des litiges PicRights AFP.

PicRights et copyright troll : de quoi s’agit-il ?

Qu’est-ce que la société PicRights ?

La société PicRights est ce que l’on appelle en anglais un « copyright troll ». Leur activité commerciale consiste à obtenir des compensations financières pour l’utilisation non autorisée d’actifs protégés par le droit d’auteur. La plupart du temps, ces sociétés agissent pour le compte d’un tiers et recours à la pression en multipliant les mises en demeure et les courriers d’avocats. En pratique, PicRights propose un règlement du litige à l’amiable, faute de quoi une action en justice pour contrefaçon serait intentée contre les internautes ayant utilisé une image

PicRights est une société suisse domiciliée au 16 Albisstrasse à Adliswil, dans le Canton de Zurich. Elle agit notamment pour le compte de l’Agence France-Presse. Depuis quelques années, l’AFP fait en effet régulièrement appel aux services de PicRights pour menacer les internautes utilisant des images issues de ses reportages photographiques.

Les blogueurs, les associations et les entreprises qui utilisent des photographies sur leur site internet sont les principaux concernés par cette pratique. Se croyant effectivement en infraction, ils préfèrent la plupart du temps s’acquitter de la somme négociée convenue plutôt que de soumettre leur litige aux tribunaux.  

Le copyright trolling : un abus de droit

La Cour de justice de l’Union européenne a considéré que la méthode dite de « copyright trolling » constituait un abus de droit.  

La Cour le définit comme le fait pour une entreprise de disposer du droit de représenter des titulaires de droit d’auteur en vue de menacer des utilisateurs de ces droits d’exercer des procédures judiciaires afin de demander des indemnités au titre de prétendus dommages subis par ces titulaires.

La Cour indique « le plus souvent, avant de recourir aux tribunaux, ces titulaires proposent un règlement à l’amiable, moyennant le paiement d’une somme dépassant le préjudice réel. Ainsi, même si une fraction seulement des personnes contactées consentent à payer, les entreprises en question peuvent en tirer des revenus dépassant parfois ceux provenant de l’exploitation légale des œuvres, revenus qu’ils partagent par la suite avec les titulaires des droits sur ces œuvres. »

La Cour ajoute que « si le procédé est, littéralement parlant, légal, il revient cependant à exploiter non pas les droits économiques d’auteur, mais les atteintes à ces droits, en créant ainsi une source de revenus fondée sur la violation du droit. Le droit d’auteur est ainsi détourné de ses objectifs et utilisé, voire abusé, à des fins qui lui sont étrangères. »

« Il existe, en droit de l’Union, un principe général du droit selon lequel les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes de ce droit ».

PICRIGHTS en menaçant de recours en justice sur la base d’arguments juridiques fragiles, instrumentalise le Code de la propriété intellectuelle et exerce un abus de droits, sanctionné par les juridictions civiles.

Qu’est-ce qu’une photographie originale ?

Dans son courrier, PicRights europe GMBH vous reproche des utilisations non autorisées d’une image et vous réclame pour cela une indemnité en se basant sur le caractère original de l’œuvre reproduite. Or, pour que le droit d’auteur s’applique, des conditions strictes doivent être remplies. Voyons ensemble en détail comment déterminer si une photo est originale. 

Le Code de la propriété intellectuelle (CPI) protège toutes les œuvres de l’esprit, peu importe leur mérite ou leur destination, à condition qu’elles soient originales. Les œuvres  photographiques peuvent donc être incluses dans cette définition. Toutefois, le CPI ne précise pas les critères permettant d’apprécier le caractère original ou non d’une œuvre. Cette imprécision conduit certains à revendiquer abusivement la propriété d’un actif.

Dans un arrêt du Tribunal de grande instance de Paris du 6 novembre 2014 (n° 12/16050), la jurisprudence a estimé qu’une photographie est originale si elle révèle un effort créatif et des choix esthétiques de nature à refléter la personnalité de son auteur. Ces partis pris relèvent notamment :

Du choix ou à l’intérêt de l’objet ou du sujet photographié.

De la technique photographique mise en œuvre (vitesse d’obturation, focale, exposition dans le cas de l’utilisation généralement d’appareils argentiques).

De l’aménagement du décor, du choix de l’angle de prise de vue, du cadrage ou du travail réalisé sur le support.

Toutes les photographies ne sont donc pas originales. De ce fait, leurs auteurs ne peuvent en aucune façon se prévaloir des droits et protections prévus par le CPI. C’est notamment le cas d’une très large majorité des images captées par des journalistes.  

Bon à savoir : la capture d’écran, un moyen de preuve réfutable 

La plupart du temps, les soi-disant preuves de la contrefaçon envoyées à l’internaute se limitent à de simples captures d’écran sans aucun constat d’huissier. Ces dernières ne possèdent aucune valeur juridique.

Quand est-ce qu’une photographie de presse n’est pas originale ?

La jurisprudence considère que l’original d’une photographie ne peut faire l’objet d’une revendication en matière de droit d’auteur lorsque : 

  • Les retouches ne sont que le résultat de manipulations techniques, facilitées par l’emploi des logiciels.
  • Le sujet à photographier et sa composition ont été imposés aux photographes qui étaient astreints à reproduire fidèlement la réalité.
  • La mise en scène a été imposée au photographe.
  • L’éclairage dépend de la lumière du soleil ou ne résulte pas du choix du photographe.
  • Les clichés constituent une prestation de services techniques qui ne traduit qu’un savoir-faire.
  • Celui qui revendique des droits d’auteur se contente de décrire et d’interpréter une image pour en démontrer l’originalité (Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 3e section, 14 février 2014, n° 12/11964).

Par conséquent, les photographies prises lors d’un événement public, tel qu’un match de football, ne disposent pas en principe du caractère original nécessaire pour profiter de la protection du droit d’auteur. Les tribunaux ont ainsi considéré qu’un cliché instantané d’une personnalité ne présente aucun apport créatif. Une décision identique a été prise pour les photos « en rafales” réalisées à partir d’un appareil numérique. L’intervention humaine, et donc créative, est en effet ici très limitée.  

Si vous recevez un courrier de PicRights ou d’un autre copyright troll vous mettant en demeure de payer des indemnités à une agence de presse pour l’utilisation non autorisée d’une de ses photographies, commencez toujours par vérifier le caractère original de cette dernière. 

En cas de doute, contactez le cabinet Lazarègue Avocats afin d’obtenir un avis et d’être accompagné dans le cadre de la défense de vos droits. Consultez également notre article pour savoir comment répondre à un courrier de PicRights AFP.  

 

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    Cette photo est-elle originale ?

    Pour mieux comprendre comment est déterminé le caractère original d’une photographie, nous vous proposons un exemple simple et concret.

    Cette photographie a été prise par M. Jewel SAMAD pour l’AFP le 19 janvier 2012. Elle représente l’ancien président des États-Unis, M. Barack OBAMA lors d’un meeting de sa seconde campagne présidentielle, au théâtre Apollo de New York . Sur le cliché, ce dernier apparaît de face, souriant, le regard porté vers les spectateurs présents lors de cet événement.

    Cette photographie serait originale puisque M. SAMAD aurait choisi de cadrer le visage de l’ancien président au centre du cliché, juste là où les 13 bandes du drapeau américain rejoignent la partie bleue étoilée de l’étendard. L’originalité de la photographie se justifierait donc par le choix de cadrer le drapeau américain à l’arrière-plan et de prendre Monsieur OBAMA au centre pour le présenter comme un unificateur en supprimant les éléments alentour. Le choix de le prendre souriant viserait à écraser le caractère sérieux symbolisé par la cravate et le drapeau.

    Or, cette photographie de Monsieur OBAMA a été prise le 19 janvier 2012 lors d’un meeting de campagne auprès de ses donateurs. Il était de fait au centre d’une scène où se trouvait un drapeau en arrière-plan. Les photographes étaient positionnés en face de la scène dans un espace dédié à la presse. Cette présentation ne relève donc pas d’un choix des photographes eux-mêmes mais de l’équipe de campagne du candidat Obama. 

    Sur cette photo, nous pouvons l’apercevoir entrant en scène, le sourire aux lèvres. L’ambiance de cette soirée de levée de fonds était en effet festive. Le candidat à sa réélection a même profité de l’occasion pour entonner “Let’s say together”.

    Il n’y a donc pas eu de choix esthétiques du photographe. Les autres photographes et caméramans présents ce soir-là ont d’ailleurs pris exactement les mêmes clichés sous un angle identique. On y voit ainsi le même sourire du protagoniste, objet de toutes les attentions.

    Barack OBAMA a passé le meeting à sourire car l’ambiance était festive pour cette soirée de levée de fonds. Le candidat y a chanté « Let’s say together ».

    Voici par exemple une photographie de Monsieur Ganmbar, présent ce soir-là pour l’agence SIPA.

    Voici encore une série de trois photographies prises ce soir-là par Monsieur Azran, pour Wirelmage.

    Il en résulte que la similarité des photographies prises ce jour-là par les photographes d’autres agences de presse démontrent l’absence d’originalité de l’image par M. Jewel SAMAD pour l’AFP dont le cadre était totalement imposé et la liberté du photographe inexistante.

    Vous avez reçu un courrier de la société PicRights AFP ou d’une société mandatée une agence de presse ? Le cabinet Lazarègue Avocats vous accompagne afin de vous permettre d’exercer pleinement vos droits et de reconquérir votre liberté. 

    Pour savoir comment répondre à un courrier Picrights, suivez ce lien

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